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Le laser en endodontie (Partie I)

Les lasers et le spectre électromagnétique de la lumière.
Pr Giovanni Olivi, Pr Rolando Crippa, Pr Giuseppe Laria, Pr Vasilios Kaitsas, Dr Enrico DiVito et Pr Stefano Benedicenti

Pr Giovanni Olivi, Pr Rolando Crippa, Pr Giuseppe Laria, Pr Vasilios Kaitsas, Dr Enrico DiVito et Pr Stefano Benedicenti

mer. 2 octobre 2013

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_Les objectifs principaux d’un traitement endodontique sont le nettoyage efficace du système canalaire. Les techniques conventionnelles endodontiques utilisent des instruments mécaniques, ainsi que l’irrigation ultrasonique et chimique pour la mise en forme, le nettoyage et la décontamination complète du système endodontique. La complexité du système canalaire est bien connue. De nombreux canaux latéraux, dont les dimensions et la morphologie varient considérablement, se ramifient à partir des canaux principaux. Une étude récente a révélé des structures anatomiques très compliquées dans 75 % des dents analysées. L’étude a également mis en évidence une infection de la pulpe résiduelle après une préparation chimio-mécanique, tant dans les canaux latéraux que dans les structures apicales de dents vivantes et nécrosées, associée à une inflammation périradiculaire.1 L’efficacité d’un débridement, d’un nettoyage et d’une décontamination de l’espace intraradiculaire, est limitée par la complexité anatomique et l’incapacité des solutions d’irrigation ordinaires, de pénétrer dans les canaux latéraux et les ramifications apicales. Par conséquent, il semble souhaitable de rechercher de nouveaux matériaux, techniques et technologies susceptibles d’améliorer le nettoyage et la décontamination de ces surfaces anatomiques. L’endodontie s’est intéressée à l’utilisation des lasers dès le début des années 1970, et leur usage s’est intensifié depuis les années 1990.2–7 Dans ce contexte, la première partie de cet article va décrire l’évolution des techniques et technologies laser. La seconde partie, qui sera publiée dans le numéro 3/13 du magazine DT Study Club, décrira l’extrême efficacité de ces instruments pour le nettoyage et la décontamination du système endodontique. Elle envisagera également l’avenir en décrivant les études préliminaires récemment menées sur les nouvelles méthodes d’utilisation de l’énergie laser.

Les lasers en endodontie

La technologie laser a été introduite dans le domaine endodontique dans le but d’utiliser l’énergie lumineuse pour améliorer les résultats obtenus avec les procédures traditionnelles, en renforçant la capacité de nettoyage et d’élimination des débris et de la boue pariétale des canaux radiculaires, et en assurant une meilleure décontamination du système endodontique.

Différentes longueurs d’onde se sont révélées efficaces pour réduire significativement les populations bactériennes des canaux infectés, et les résultats ont été confirmés par des études in vitro.8 D’autres études ont démontré l’efficacité des lasers associés aux solutions d’irrigation habituellement utilisées, telles que l’EDTA à 17 %, l’acide citrique à 10 % et l’hypochlorite de sodium à 5,25 % .9 Les agents chélatants ont un effet favorable sur la pénétration de la lumière laser, qui peut atteindre une profondeur allant jusqu’à 1 mm dans les parois dentinaires et présente un effet décontaminant plus important que les agents chimiques.8,9

D’autres études encore ont porté sur l’activation des solutions d’irrigation à l’intérieur des canaux par certaines longueurs d’onde. Cette technique, connue sous le nom d’irrigation activée par laser, s’est révélée statistiquement plus efficace pour éliminer les débris et la boue pariétale des canaux radiculaires, comparativement aux techniques conventionnelles et aux ultrasons.10–12 Une étude récente menée par Divito et al. a démontré qu’un laser Erbium équipé d’un embout nu à émission radiale, utilisé à un niveau de densité d’énergie inférieur au seuil d’ablation et associé à une solution d’irrigation à base d’EDTA, conduit à l’élimination efficace des débris et de la boue pariétale, sans dégradation thermique de la structure dentinaire organique.13

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Spectre électromagnétique de la lumière et classification des lasers

Les lasers sont classés selon le domaine du spectre électromagnétique de la lumière qu’ils émettent, visible et invisible, proche, moyen ou lointain infrarouge. En raison des lois de la physique optique, les divers types de lasers sont réservés à des usages cliniques différents (Fig. 1). Dans le spectre visible de la lumière, le laser KTP (un laser au néodyme doublé en fréquence qui émet une lumière verte – 532 nm) a été introduit en médecine dentaire au cours des dernières années. Peu d’études ont examiné cette longueur d’onde. L’émission au travers d’une fibre optique flexible de 200 μm permet son utilisation en endodontie pour la décontamination du canal radiculaire et a produit des résultats positifs.14,15

Les lasers émettant dans le proche infrarouge (de 803 nm à 1 340 nm) ont été les premiers à être utilisés pour la décontamination de la racine. En particulier, le laser Nd:YAG (grenat d’yttrium-aluminium dopé au néodyme) (1 064 nm), introduit au début des années 1990, permet de délivrer l’énergie laser par l’intermédiaire d’une fibre optique.5 Les lasers émettant dans le moyen infrarouge, la famille des lasers Erbium (2 780 nm et 2 940 nm), ont également été produits au début des années 1990. Ils n’ont été équipés d’embouts minces et flexibles qu’au début de ce siècle, et ont été utilisés et testés dans des applications endodontiques. Le laser au CO2, émettant dans le lointain infrarouge (10 600 nm) a, quant à lui, été le premier à être utilisé en endodontie pour la décontamination et la fusion de la dentine apicale en chirurgie par voie rétrograde. Il n’est plus utilisé dans ce domaine sauf pour le traitement de la pulpe vivante (pulpotomie et coagulation de la pulpe).

Dans cet article, les lasers utilisés pour les applications endodontiques sont des dispositifs émettant dans le proche infrarouge – diodes lasers (810, 940, 980 et 1 064 nm) et laser Nd:YAG (1 064 nm) –, et dans le moyen infrarouge – laser au grenat d’yttrium-scandium-gallium dopé à l’Erbium et au chrome (Er,Cr:YSGG, 2 780 nm) et laser au grenat d’yttrium-aluminium dopé à l’Erbium (Er:YAG, 2 940 nm). Une courte introduction des concepts physiques fondamentaux régissant l’interaction entre les lasers et les tissus est indispensable à la compréhension de l’usage des lasers en endodontie.

Base scientifique de l’utilisation des lasers en endodontie

Interaction laser-tissu

L’interaction de la lumière avec une cible suit les lois de la physique optique. La lumière peut être reflétée, absorbée, diffusée ou transmise.

_La réflexion est le phénomène dans lequel un faisceau de lumière laser touche une cible puis est reflété par manque d’affinité. Il est donc obligatoire de porter des lunettes de protection pour éviter des lésions oculaires accidentelles.
_L’absorption est le phénomène dans lequel il existe une affinité entre l’énergie incidente et le tissu qu’elle touche. Elle y est absorbée et peut ainsi exercer ses effets biologiques.
_La diffusion est le phénomène dans lequel la lumière incidente pénètre jusqu’à une certaine profondeur en étant dispersée dans de multiples directions par rapport au point d’interaction. Elle peut ainsi produire ses effets biologiques à une certaine distance de la surface.
_La transmission est le phénomène dans lequel le faisceau laser traverse le tissu sans affinité et n’y produit aucun effet.

La lumière laser et le tissu ne peuvent interagir que s’il existe une « affinité optique » entre eux. La spécificité et la sélectivité de cette interaction est fonction de l’absorption et de la diffusion. Moins il y a d’affinité, plus la lumière sera reflétée ou transmise (Fig. 2).

Effets de la lumière laser sur le tissu

Grâce aux phénomènes d’absorption ou de diffusion, l’interaction du faisceau laser avec le tissu cible produit des effets biologiques qui se répercutent sur le plan thérapeutique. Ces effets sont d’ordre :

_photothermique ;
_photomécanique (y compris des effets photoacoustiques) ; et
_photochimiques.

La diode laser (810 nm à 1 064 nm) et le laser Nd:YAG (1 064 nm) émettent dans le domaine du proche infrarouge du spectre électromagnétique de la lumière. Ils interagissent essentiellement avec le tissu mou par le phénomène de diffusion (dispersion). Le laser Nd:YAG pénètre plus profondément dans les tissus mous (jusqu’à 5 mm) alors que la diode laser a un effet plus superficiel (jusqu’à 3 mm). Leur faisceau est sélectivement absorbé par l’hémoglobine, l’oxyhémoglobine et la mélanine, et il produit des effets photothermiques sur le tissu. Par conséquent, leur utilisation en médecine dentaire est limitée à la vaporisation et à l’incision du tissu mou. Ils sont également utilisés pour le blanchiment des dents où le faisceau laser sert à l’activation thermique du réactif. En endodontie, ils représentent actuellement la meilleure méthode de décontamination en raison de leur capacité de pénétrer à l’intérieur des parois dentinaires (jusqu’à 750 μm pour la diode laser 810 nm ; jusqu’à 1 mm pour le laser Nd:YAG),8 et de l’affinité des bactéries pour ces longueurs d’onde qui permettent de détruire les organismes par des effets photothermiques.16

Les lasers Erbium (2780 nm et 2940 nm) émettent dans le domaine du moyen infrarouge et leur faisceau est essentiellement absorbé par la surface du tissu mou, de 100 à 300 μm, et jusqu’à 400 μm dans les parois dentinaires.8,17

La cible est l’eau, qui sert de « chromophore » (un groupement d’atomes qui en absorbant la lumière est responsable de l’aspect coloré d’une substance), et c’est pourquoi ces lasers sont utilisés en médecine dentaire pour les tissus mous et les tissus durs. La teneur aqueuse de la muqueuse, de la gencive, de la dentine et du tissu carieux, permet aux lasers Erbium de vaporiser ces tissus et d’y produire des effets thermiques. L’éclatement des molécules d’eau génère une réaction photomécanique qui contribue au processus d’ablation et de nettoyage (Fig. 3).18–20

Paramètres influençant l’émission de l’énergie laser

L’énergie laser est émise de différentes façons par différents instruments. Les diodes lasers émettent l’énergie sous forme d’onde entretenue (fonctionnement en mode continu). Il est possible d’interrompre mécaniquement cette émission énergétique. Le laser fonctionne alors en mode « déclenchement périodique » ou « haché », dit aussi « impulsionnel » (il serait inexact dans ce cas de parler de mode « pulsé ») et cette interruption permet un meilleur contrôle de l’émission thermique. La durée de l’impulsion et les intervalles entre les impulsions sont exprimés en millisecondes ou microsecondes (temps de fonctionnement/non fonctionnement).

Le laser Nd:YAG et la famille des lasers Erbium émettent une énergie laser en mode pulsé, dont les impulsions peuvent être relaxées, de sorte que chaque impulsion débute de manière naturelle à certains moments, s’intensifie et se termine en suivant une progression gaussienne. L’intervalle entre chacune des impulsions permet au tissu de se refroidir (temps de relaxation thermique), ce qui améliore le contrôle des effets thermiques (Fig. 4).

Les lasers Erbium fonctionnent également avec un pulvérisateur d’eau intégré doté d’une double fonction de nettoyage et de refroidissement. En mode pulsé, un train d’impulsions est émis à différentes cadences de répétition, appelées « fréquence de récurrence » qui s’exprime en Hertz, variant généralement de 2 à 50 impulsions par seconde. Une fréquence de récurrence maximale de l’émission est similaire à un mode continu, alors qu’une fréquence de récurrence inférieure allonge le temps de relaxation thermique. La fréquence de l’émission (fréquence de récurrence des impulsions) influence la puissance moyenne émise, selon la formule indiquée dans le tableau I.

Un autre paramètre important dont il faut tenir compte est la « forme » de l’impulsion, qui décrit l’efficacité et la dispersion de l’énergie ablative sous forme d’énergie thermique. La durée de l’impulsion, qui est de l’ordre de la microseconde à la milliseconde, produit les principaux effets thermiques. Des impulsions plus courtes, de quelques microsecondes (<100) à quelques nanosecondes, produisent des effets photomécaniques. La durée de l’impulsion modifie la puissance de crête de chacune des impulsions, selon la formule indiquée dans le tableau I. Les lasers dentaires actuellement disponibles sur le marché, le Nd:YAG dont les impulsions varient de 100 à 200 μm et les lasers Erbium dont les impulsions varient de 50 à 1 000 μm, sont des lasers pulsés en mode relaxé. Par ailleurs, les diodes lasers, qui émettent l’énergie en mode continu, peuvent être interrompues par un moyen mécanique afin d’obtenir une émission énergétique dont la durée des impulsions varie de quelques millisecondes à quelques microsecondes selon le modèle de laser.

Effets de la lumière laser sur les bactéries et les parois dentinaires

En endodontie, les lasers sont utilisés pour produire des effets photothermiques et photomécaniques, qui résultent de l’interaction de différentes longueurs d’onde et de différents paramètres, sur les tissus cibles. Ces tissus sont la dentine, la boue pariétale, les débris, la pulpe résiduelle et les bactéries dans toutes leurs formes de regroupement.

Selon les diverses sorties utilisées, toutes les longueurs d’onde détruisent la membrane cellulaire par leurs effets photothermiques. En raison des caractéristiques structurelles des différentes membranes cellulaires, il est possible de détruire plus facilement les bactéries à Gram négatif avec une énergie et un rayonnement moindre que les bactéries à Gram positif.16 Les rayons laser émis dans le proche infrarouge ne sont pas absorbés par les tissus durs dentinaires et n’ont aucun effet ablatif sur les surfaces dentinaires. L’effet thermique du rayonnement se manifeste jusqu’à 1 mm de profondeur dans les parois dentinaires et permet d’obtenir un effet décontaminant dans les couches plus profondes de la dentine.8 Les rayons laser émis dans le moyen infrarouge sont bien absorbés par le milieu aqueux des parois dentinaires et ils produisent donc un effet décontaminant et ablatif sur la surface du canal radiculaire.8,16

L’effet thermique des lasers, utilisé pour son action bactéricide, doit être contrôlé afin d’éviter des dommages aux parois dentinaires. Lorsque les paramètres sont bien réglés, les caractéristiques de la vaporisation de la boue pariétale et de la structure dentinaire organique (fibres de collagène) par l’irradiation laser sont celles d’une fusion superficielle. Seuls les lasers Erbium ont un effet ablatif superficiel sur la dentine, lequel semble supérieur dans les zones intercanaliculaires, plus riches en eau, que dans les zones péricanaliculaires plus calcifiées. Lorsque des paramètres ou des modes opératoires incorrectes sont employés, les dommages thermiques sont manifestes et se traduisent par de vastes zones de fusion, de recristallisation de la matrice minérale (bulle), et la présence de microfractures superficielles accompagnant la carbonisation de la surface radiculaire interne et externe.

Lorsque la durée d’impulsion est très courte (moins de 150 μs), le laser Erbium atteint sa puissance de crête avec une très faible énergie (moins de 50 mJ). L’utilisation d’une énergie ablative minimale réduit au maximum les effets thermiques et ablatifs indésirables sur les parois dentinaires, alors que l’atteinte de la puissance de crête déclenche avantageusement le phénomène d’excitation des molécules d’eau (chromophore cible) et produit consécutivement les effets photomécaniques et photoacoustiques (sous forme d’ondes de choc) sur les parois dentinaires, grâce aux solutions d’irrigation introduites dans le canal radiculaire. Ces effets sont extrêmement efficaces pour éliminer la boue pariétale des parois dentinaires, ainsi que le biofilm bactérien, et pour décontaminer le canal radiculaire. Cet aspect sera examiné dans la seconde partie de l’article.10–13_

Note de la rédaction : une liste complète des références est disponible auprès de l’éditeur. Cet article est paru dans DT Study Club, Vol. 1, No. 2, septembre 2013.

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